Gabon:De la mondialisation des destins:Obama,Bongo, Michael Jackson et nous

Publié le par la concorde

 

 

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Le roi de la pop music a brutalement tiré sa révérence hier 25 juin 2009.Celui qui lira ces lignes comprendra donc que nous voulions réunir ces trois figures inégales de notre récente actualité en un pensum qu’autoriserait la question suivante : quel fil d’Ariane trouver entre l’élection magnifique d’Obama, la disparition banale du dictateur Bongo et la mort tragique de la star mondiale Michaël Jackson ? Osons ici un triple parallèle éclairant. Au lecteur d’en mesurer la pertinence.

  

 

Le roi de la pop music a brutalement tiré sa révérence hier 25 juin 2009. Sur toute la surface de l’astre bleu que nous habitons, astre qui nous attend dans la béance de notre ultime naissance tragique, une onde de tristesse s’est répandue en tous ceux qui avaient idée de son immense talent. Cette onde de tristesse, trempée de mélancolie nostalgique, m’a cueilli au pied de mon lit ce matin, émanant de mon  radioréveil comme un coup de semonce. A côté des frasques de l’enfant pas trop gâté que fut cet artiste légendaire, y a-t-il possibilité de l’insérer dans la trame des grands événements du XXème siècle ?

 


Que nous apprendra donc cette année 2009, qui nous fait passer des cimes de la joie aux abîmes de la tristesse, en passant par la fadeur des vanités humaines ? Dans la rupture avec le XXème siècle défunt, 2009 vient d’arracher la palme d’or au 11 septembre 2001 car en cette seule année 2009, et avant qu’elle n’ait brisé ses deux semestres, nous avons visité le paradis des valeurs universelles avec l’élection du noir américain Barack Obama à la  tête de la nation la plus puissante du monde. Nous avons été ainsi dans les cimes de l’espérance. Dans cette seule et même année qui n’a décidément pas fini de nous surprendre, voici que disparaît prématurément un personnage de légende, dont la musique a marché sur la lune, brisant et traversant à tout jamais les frontières des genres musicaux, articulant le cinéma, le théâtre, la danse, le chant et l’électronique, dans un seul et même groove torride. Dans cette seule et même année 2009 qui est loin d’être finie, si notre prémonition s’avère juste, un dictateur pilier de la Françafrique s’en est banalement allé, livrant son pays à une course à la succession, et suspendant par son contre-modèle l’espoir des peuples d’Afrique centrale de voir leur souveraineté enfin exprimée dans des consultations électorales indépendantes.

 

Celui qui lira ces lignes comprendra donc que nous voulions réunir ces trois figures inégales de notre récente actualité en un pensum qu’autoriserait la question suivante : quel fil d’Ariane trouver entre l’élection magnifique d’Obama, la disparition banale du dictateur Bongo et la mort tragique de la star mondiale Michaël Jackson ? Osons ici un  triple parallèle éclairant. Au lecteur d’en mesurer la pertinence.

 

I- Obama à Washington : la mondialisation des destins

La prise de pouvoir d’Obama – né d’un kenyan et d’une américaine-  à  Washington en janvier 2009, après sa victoire à la présidentielle américaine de novembre 2008, s’est déroulée devant le monde entier comme un rêve éveillé. Dans le bluff de cette éclatante victoire,  on commence à peine à mesurer le renversement gigantesque qu’elle augure, car en fait elle n’est pas seulement avènement précurseur du monde post-racial, elle signe l’entrée radicale de la planète dans la mondialisation des destins. Parti des enclaves de la race, de la classe socioprofessionnelle de ses parents, de la fragilité de ses liens avec les clans traditionnels de pouvoir aux Etats-Unis, Obama a su échapper au clivage racial, au clivage religieux , au clivage économique et au clivage proprement politique pour s’imposer devant un candidat républicain, blanc, avec une majorité d’électeurs blancs et une fonte du camp conservateur devant la houle citoyenne qu’il a levée.

 

Face aux problèmes politiques, sociaux, culturels, économiques et sécuritaires qui les enserrent, les américains ont donc choisi la voie réaliste et pragmatique de l’ouverture au monde à travers le choix du programme incarné par le candidat qui faisait davantage pont et entente entre l’Amérique et le monde.  Face à l’alternative entre le repli sécuritaire et la poursuite de la doctrine cynique du preventive war, d’une part, et d’autre part, le choix d’une ouverture responsable de la société américaine aux problèmes des masses américaines et internationales, l’Amérique, en choisissant Obama, a choisi  la mondialisation des destins. Cette nouvelle modestie, frappée au coin de la vigilance, de l’exigence de justice et de l’effort de recourir de façon seulement exceptionnelle aux armes, fait aujourd’hui la nouvelle carte d’identité diplomatique de l’Amérique.

 

Nous entendons par mondialisation des destins, la prise de conscience concrète et empathique de l’impact des drames de toute société du monde sur toutes les autres : impact écologique de l’industrialisation des puissances économiques de la planète ; impact social et migratoire des grands conflits militaires sur l’équilibre démographique des Etats ; impact économique des effondrements entrepreneuriaux sur l’équilibre des nations autrefois polarisées par l’horizon idéal du plein emploi ; impact politique des violations délibérées des droits de l’Homme sur le fonctionnement de la justice internationale ; impact des politiques d’armement nucléaire sur l’équilibre géostratégique planétaire, etc. Nous sommes entrés pour ainsi dire dans un monde ou chaque petite cause peut générer de grandes conséquences.  Il reste à savoir ce qui a d’une part rendu possible un tel monde, et d’autre part, ce qui résiste à la prise en charge d’un tel monde. Or justement, la disparition  problématique du dictateur Bongo en Afrique centrale illustre bien la résistance du vieux monde de domination aveugle que l’élection d’Obama révèle dans toute son obsolescence. Parlons donc de ce monde cynique qui résiste avant de nous focaliser sur la figure de précurseur de Jackson pour la mondialisation actuelle des destins.

 

 

II Bongo, l’anti-héros archaïque : une vision étroite du monde

En effet, la mondialisation des destins doit mettre fin aux hommages à la bêtise humaine. Voici, avec Albert Bongo, alias Omar Bongo, alias Omar  Bongo Ondimba, le genre d’individus qui auraient dû constituer un non-événement pour l’Histoire. Ce petit commis des postes du Gabon français, ex-soldat de l’armée coloniale française, est arrivé à 32 ans, avec le soutien armé et cynique de la puissance d’exploitation française, à la tête de l’Etat gabonais « indépendant », qui s’est révélé être un vassal des multinationales pétrolières, minières et forestières du grand capitalisme français. Entré dans l’Histoire par la petite porte des lâches qui livrent leur peuple et leurs terres aux appétits voraces des plus puissants de la planète, Bongo, comme ses voisins Biya, Ahidjo, Sassou, Mobutu, Bokassa, Déby, et consorts est l’emblème même du personnage archaïque que la mondialisation des destins doit rendre progressivement incompatible avec l’exercice de la moindre responsabilité politique de premier plan. 

 

Comment comprendre que dans un monde où l’on célèbre l’ascension démocratique et légitime d’un Obama ou le talent irréductible d’un Jackson, on ose proclamer dans les rues de Libreville, la « gloire immortelle » d’ un homme dont la fortune personnelle extorquée aux deniers publics suffirait à éteindre la pauvreté affligeante de 70% de ses compatriotes ? Et dans la même veine, le dictateur Biya, à qui les tripatouillages de Sa Constitution ne suffisent pas à garantir une éternité, s’apprête à donner à son médiocre prédécesseur les obsèques nationales qu’ils ne mériteront jamais tous les deux tant que les véritables héros fondateurs du Kamerun n’auront pas eu tous les honneurs prioritaires qu’on leur doit toujours. Laisserons-nous des contre-héros de la pire facture procéder au lavage de mémoire des peuples africains ?

 

Que mal nous en prenne !
 Aux antipodes absolues de Barack Obama, enfant de la démocratie américaine, et de Michaël Jackson, fils du génie artistique, fils de l’Art, qui emprunte avant Obama, la voie royale du self-made man qui fait encore aujourd’hui l’une des plus grandes merveilles de l’aventure séculaire américaine, Bongo représente l’archaïsme négatif de la politique internationale. Le pouvoir des ténèbres, du mensonge, du vol et du crime.  Le pouvoir du petit cercle immonde des marchands d’âmes innocentes. Bongo, comme tous ses pairs choisis par cette même puissance tutélaire françafricaine qui ose donner des leçons électorales à l’Iran, n’a jamais été élu en contexte de concurrence politique, encore moins de transparence et de respect du verdict des urnes. Il n’a par lui-même manifesté que de piètres qualités de politique rusé, habile à acheter et manipuler les consciences, à les persuader plutôt qu’à les convaincre.

 

Et quand on va jusqu’à lui reconnaître une grande générosité, on oublie très facilement qu’il est facile d’être très généreux avec l’argent qu’on n’a pas travaillé ni mérité, mais pompeusement et copieusement détourné au vu et au su de tous, et au détriment des plus vulnérables.  Non, Bongo n’est ni un fruit de l’élection populaire comme Obama, ni le fruit de l’élection par le génie comme Michael Jackson. Bongo, c’est le héros des lâches qui gouvernent la majorité des peuples africains par l’arbitraire abject. Et ses souteneurs se reconnaissent à cette funeste passion, par-delà toutes les arguties.

 


La mondialisation des destins va cependant en nous rassurant sur la disparition programmée de ces dinosaures politiques qui spolient, violent, pillent et affament les peuples à travers le monde, croyant le monde aussi petit que leur vacuité morale. Un exemple, encore venu d’Amérique, cette terre des grands ensemencements anthropologiques, illustre bien ce point de notre propos. L’administration Obama, dans son orientation décidée pour la transparence de la gouvernance américaine et internationale, a dressé une liste édifiante d’officiels camerounais détenteurs de sommes faramineuses et injustifiables dans les banques américaines en ce mois de juin 2009.

 

 Ces pillards frénétiques, dont les noms se rapprochent en cercles concentriques du cœur du pouvoir néocolonial camerounais dont Paul Biya est le nœud, précèdent de futures et bien plus fournies listes de criminels en cols blancs africains qui seront livrés aux exigences de la justice internationale, avant que leurs derniers remparts nationaux ne s’écroulent sur leur insignifiance structurelle. Tant que le monde était un conglomérat d’îlots humains séparés les uns des autres par des obstacles tant naturels, sociaux, économiques, politiques que culturels, des personnages aussi banals que Bongo pouvait coexister tranquillement face à des sommets comme Obama ou Jackson. La donne a sérieusement changé.

 


Un crime, un rapt, un vol, un détournement, un événement quelconque sont pratiquement accessibles de n’importe quel bout du monde à la quasi-vitesse de la lumière. Ainsi, la mondialisation des destins pourrait rendre le monde très petit pour nos gangsters pseudo-démocrates qui avaient fait de leurs pays des villages sous enclos insonorisés. Désormais, c’est  le grand sus aux hurluberlus soi-disant sages de l’Afrique qui se sentent davantage en sécurité sur les bords du lac Léman en Suisse, dans les villégiatures de Monaco et de Baden-Baden  que dans les rues populaires de Yaoundé, Libreville, Ndjaména ou Bangui qu’ils martyrisent.  Dès lors comment désespérer de voir tous ces grands dictateurs aux petits pieds  bientôt boutés dans les annales- et les anales- de l’Histoire ? C’est seulement au prix d’un tel nettoyage politique que nous bénéficierons de l’œuvre de précurseur de Michael Jackson sur notre proche avenir. Car quels sont les hommes qui ont fait monde avant que le monde ne se mondialise ?

Publié dans analyse

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