Gabon: La succession de Bongo : Un monde de brut

Publié le par la concorde

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Entre Ali Ben Bongo et sa sœur aînée Pascaline, ça pétrole sec pour prendre le fauteuil de papa et tenir les mallettes.

           L’Envoyé spécial du « Figaro » (17/06) aux obsèques du président gabonais Omar Bongo Ondimba a cru saisir ce jour-là des « regards pas trop fraternels » dans la progéniture du défunt, ce qui n’a rien d’invraisemblable. Les énormes enjeux politiques et financiers de l’héritage incitent plus aux déchirements saignants qu’à la concorde familiale. D’autant que du monde se presse au portillon. « Prolifique » personnage-« un signe positif de vigueur », disait-il, le regretté Omar Bongo, deux fois marié, mais toujours disponible, n’aurait pas engendré moins de 70 enfants, selon les estimations les plus généreuses. A la vérité, il pourrait y avoir quelques adoptés dans le lot.

            Plus magnanime que certains de nos grands souverains à nous, Omar, dit-on aussi, a reconnu tous ses enfants, d’ailleurs conçus dans différentes ethnies, histoire sûrement de consolider l’unité nationale. Les devoirs de chef d’Etat ne présentent pas que des désagréments. Bien sûr, dans la bongocratie, les 70 bambins n’ont pas eu droit ou ne sont pas appelés aux mêmes honneurs. L’un d’eux fait toutefois, et notamment dans la presse française, figure de favori à la succession : il s’agit de l’actuel ministre de la Défense, et depuis une décennie, Ali Ben Bongo, 50 ans, fils de la première épouse de papa, la chanteuse Joséphine, qui s’est rebaptisée Patience  après son divorce. Un prénom qui venait peut être un peu tard.

            Né Alain Bernard, Ali, lui, n’a arabisé son prénom qu’après la conversion de papa Omar (Albert-Bernard à l’origine) à l’islam, en 1973. Collège protestant renommé, très chic établissement privé de Neuilly, puis fac de droit Panthéon-Sorbonne, Bongo père a veillé au mieux à la formation de son fils aîné, dont il a fait par la suite un éphémère ministre des Affaires étrangères, puis un plus durable titulaire des armées.

            « Il aura peut être ma voiture, ma maison, mais pas mon siège », disait cependant d’Ali le Grand Disparu. Ce n’est pas aujourd’hui l’avis de Paris. Alors que l’ex-président était encore sur son lit de douleur d’un hôpital de Barcelone, Ali, et Ali seul, était reçu à déjeuner à l’Elysée par le conseiller africain de Sarko, Bruno Joubert. Entrevue mitonnée par l’inévitable Robert Bourgi, le rescapé de l’ère paléolithique Foccart, et qui n’appelait Bongo que « Papa ». Le tout naturellement dans le plus grand respect de la liberté de choix des gabonais.

            Car les gabonais vont ou doivent voter. Et, selon la constitution, quarante-cinq jours au moins après la disparition de leur Grand Timonier. Seul ennui, la présidente du Sénat, chef de l’Etat par intérim, et quelques pontes du clan Bongo bassinent tellement le monde avec une nécessaire révision préalable des listes électorales qu’on en vient à douter et de la date et même de la tenue de cette consultation. A raison de quelque 600.000 électeurs, l’opération de révision n’est pourtant pas insurmontable.

            En tout état de cause, s’il maintient, comme prévu, le cap, Ali trouvera sa sœur aînée, Pascaline, 52 ans, plus qu’un pilier du régime. Diplômée de Dauphine et de l’ENA (dans une section « spéciale étrangers »), elle fut tout d’abord la dircab’ présidentielle de papa (tout visiteur d’Omar passait inévitablement par son bureau). A ce jour, selon toutes les apparences, elle garde également la haute main sur les biens et les finances familiales, qui sont aussi à l’occasion les finances nationales (et réciproquement). C’est notamment- minuscule exemple- avec un chèque de la Paierie nationale gabonaise que notre amie a pu s’offrir le fin du fin de la maison Mercedes- Daimler. C’est « la pédégère de Bongo SA », ricane un opposant.

            Rude boulot, en tout cas, que le sien. Rien qu’en France, Omar détenait plusieurs dizaines de comptes et 17 résidences pour lui tout seul (1), rarement du genre Maisons Phénix. Toutefois, à défaut de se présenter ou de se pousser elle-même, Pascaline, selon de persistantes rumeurs, pourrait mettre en avant surtout pas son frère Ali, mais son actuel compagnon le ministre des Affaires étrangères Paul Toungui, ou bien encore son ex-mari, Jean Ping, d’origine asiatique, ex-éminence lui aussi et vétéran du régime.

            Il est bien sûr d’autres Bongo en vue dans la vie publique de Libreville, ils ne pèsent pas le poids de leurs aînés. Si Christophe B. gère sans trop d’histoire l’importante Banque gabonaise du développement, le frérot Anicet a été éjecté de ses fonctions de directeur d’une télé nationale par la présidente de son conseil d’administration, sa propre sœur Pascaline. Tous nos encouragements aux quelques ministres ou figures d’une opposition bien douce qui remuent en ce moment des idées de candidature !

            « Les Bongo ont tout intérêt à s’entendre entre eux et à se partager les tâches s’ils ne veulent pas tout perdre (pouvoir et fric) en se déchirant », estime un habitué du Gabon. Ce qui serait en effet bien dommage pour eux. On n’en dira peut-être pas autant pour le pays.

1: acquis sur fonds publics. La cour d'appel de Paris,doit se prononcer à la mi-septembre sur le bien fondé d'une enquête à ce sujet.

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